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Donella Meadows (1941-2001)

Admettons-le, l’univers est en désordre. Il est non linéaire, turbulent, chaotique. Il est dynamique. Il passe son temps en transition vers une autre destination, il ne reste pas dans un équilibre mathématiquement ordonné. Il s’auto-organise, il évolue. Il crée la diversité et non pas l’uniformité. C’est ce qui rend ce monde intéressant, c’est ce qui le rend beau, c’est ce qui le fait fonctionner.

PC- Rajiv Kalmadi

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Edgar Morin, 2005

La pensée complexe, c’est l’art de s’exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui.

PC- Rajiv Kalmadi
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Peter Senge, 2006

Depuis notre plus tendre enfance, on nous apprend à fractionner les problèmes, à diviser le monde en sous-ensembles. On nous affirme que cela permet de gérer plus facilement les tâches et les sujets complexes. Mais, en fait, cette attitude génère un énorme gâchis. Nous devenons incapables de voir les conséquences de nos actions ; incapables de faire le lien entre le tout et ses sous-ensembles. Essayer d’envisager un problème dans toutes ses dimensions consiste alors à mettre bout à bout les sous-parties, à les lister et à les organiser. Une tâche vaine, comme l’affirmait le grand physicien David Bohm, qui ressemble un peu à celle qui consisterait à recoller les morceaux d’un miroir pour retrouver un reflet parfait. De fait, même les meilleures volontés y renoncent.

PC- Rajiv Kalmadi
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H.L. Mencken (1880-1956)

Pour tout problème complexe, il existe une solution qui est claire, simple et erronée.

PC- Rajiv Kalmadi

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Admettons-le, l’univers est en désordre. Il est non linéaire, turbulent, chaotique. Il est dynamique. Il passe son temps en transition vers une autre destination, il ne reste pas dans un équilibre mathématiquement ordonné. Il s’auto-organise, il évolue. Il crée la diversité et non pas l’uniformité. C’est ce qui rend ce monde intéressant, c’est ce qui le rend beau, c’est ce qui le fait fonctionner.

Donella Meadows (1941-2001)
PC- Rajiv Kalmadi
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La pensée complexe, c’est l’art de s’exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui.

Edgar Morin, 2005
PC- Rajiv Kalmadi
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Depuis notre plus tendre enfance, on nous apprend à fractionner les problèmes, à diviser le monde en sous-ensembles. On nous affirme que cela permet de gérer plus facilement les tâches et les sujets complexes. Mais, en fait, cette attitude génère un énorme gâchis. Nous devenons incapables de voir les conséquences de nos actions ; incapables de faire le lien entre le tout et ses sous-ensembles. Essayer d’envisager un problème dans toutes ses dimensions consiste alors à mettre bout à bout les sous-parties, à les lister et à les organiser. Une tâche vaine, comme l’affirmait le grand physicien David Bohm, qui ressemble un peu à celle qui consisterait à recoller les morceaux d’un miroir pour retrouver un reflet parfait. De fait, même les meilleures volontés y renoncent.

Peter Senge, 2006
PC- Rajiv Kalmadi
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Pour tout problème complexe, il existe une solution qui est claire, simple et erronée.

H.L. Mencken (1880-1956)
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Que veut dire ‘complexe’?

Est complexe ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi, ce qui ne peut se réduire à une idée simple. (Morin, 1990)
Bref, appelons-le la vie. La vie de chacun d’entre nous, la vie de la planète !

Pourquoi le « complexe » n’est pas compliqué ?

  • Fabriquer une éolienne, c’est compliqué. Son installation et sa mise en œuvre au sein d’une communauté sont complexes.
  • Définir l’emploi du temps de l’école, c’est compliqué. Gérer une classe est complexe.
  • Extraire une tumeur, c’est compliqué. Prévenir le cancer est complexe.
  • Réussir ses examens, c’est compliqué. Réussir au travail est complexe.
  • Obtenir son permis de conduire, c’est compliqué. La circulation au quotidien est complexe.

Rien de tout cela n’est simple, mais avec un certain savoir-faire et un esprit analytique, on peut résoudre les affaires « compliquées ». Tous les éléments et les liens de causalité sont plus ou moins connus. Une fois l’art maîtrisé, on peut reproduire les mêmes efforts avec plus ou moins de certitude sur des résultats.

Or, en ce qui concerne les affaires complexes, il en va autrement. Nous ne connaîtrons jamais tout ce que nous voudrions connaître. Il y a trop d’éléments interdépendants qui interagissent de façon inattendue, et il est difficile de prédire le résultat avec certitude. Les relations de cause à effet ne sont pas flagrantes et nos limites cognitives nous empêchent souvent de comprendre tout ce qui se passe. La vie est faite de surprises, bonnes ou mauvaises, de contradictions, d’échecs parfois non mérités, et de problèmes émergeant des solutions pourtant bien réfléchies. Dans la pratique, on essaie de cerner le plus possible chaque problème, de sentir les choses, et d’agir en conséquence. La plupart du temps, ce processus s’appuie sur l’expérience mais ne garantit pas la réussite. Prenons l’exemple des solutions familiales qui fonctionnent bien pour un enfant mais pas pour un autre. Chaque situation est faite d’un tel nombre de composants en interaction perpétuelle et imprévisible qu’on ne peut pas attendre à une cohérence dans les résultats. C’est pourquoi, la réflexion engagée ici ne peut être celle employée pour accomplir des tâches compliquées.

Pour en savoir plus, consultez le cadre CYNEFIN proposé par Dave Snowden

Qu’est-ce que la pensée complexe ?

La pensée complexe, c’est le processus d’accueillir la vie dans toute sa complexité et d’être en dialogue avec elle. Ceci veut dire :

  • Comprendre que chaque problème émerge d’un « ensemble d’interconnexions ».
  • Identifier les dynamiques et les facteurs qui contribuent à sa complexité.
  • Discerner les interdépendances entre les différents facteurs.
  • En cas de difficultés, ne pas tenir les tierces personnes responsables mais plutôt chercher à comprendre les processus interactifs et les liens de causalité circulaires qui sont à l’origine du problème.
  • Savoir qu’une accumulation de petites actions mène à des impacts importants et différés dans le temps
  • Etre conscient que sa propre perspective sur une situation n’en est qu’une parmi tant d’autres.
  • Accroître la conscience de soi, avoir de l’empathie pour toute forme de vie, chercher des relations de qualité.
  • Développer un esprit flexible, créatif et divergent afin d’appréhender les incertitudes, l’évolution constante des phénomènes, les conséquences inattendues, les contradictions et les paradoxes.

Avec toutes ces compétences, arriverait-on à « mieux maîtriser » la vie ? Pas vraiment et ce n’est pas le but. La réalité est un flux que l’on ne peut ni contrôler ni conquérir. On peut apprendre à « lire » sa complexité, et le propre de la pensée complexe, c’est de nous guider à dialoguer avec elle pour dessiner des futurs souhaitables. Si la complexité est non pas la clé du monde, mais le défi à affronter, dit Morin, la pensée complexe est non pas ce qui évite ou supprime le défi, mais ce qui aide à le relever, et parfois même à le surmonter. Et ce défi peut être celui d’élever un enfant, de gérer une salle de classe, de travailler, de s’adapter au changement climatique ou en atténuer les effets !

En quoi la pensée complexe diffère-t-elle de la pensée analytique, critique ou créative?

La pensée analytique nous pousse à décomposer les problèmes complexes en parties maîtrisables. On procède alors à une analyse des liens causaux entre les éléments de cette partie décomposée, afin de trouver des solutions adéquates. Néanmoins, ce qui est adéquat pour cette partie du problème peut s’avérer inadéquat pour l’ensemble complexe dont elle dépend et où elle continue à résider.

La pensée critique peut être considérée comme une pensée plus réflective, indépendante, basée sur des éléments objectifs. Elle pousse à questionner les idées, à discerner des liens clairs, rationnels et logiques entre les arguments, à analyser ou à évaluer les informations, à identifier les incohérences de raisonnement et à remettre en question ses propres croyances et hypothèses. Autrement dit, la pensée critique a pour but de donner une vue d’ensemble aussi impartiale que possible.

La pensée latérale, ou la pensée créative, signifie « réfléchir hors du cadre » – voir les choses d’une autre façon. Le penseur créatif va au-delà de la simple analyse d’un problème. Il cherche ce qui pourrait manquer, examine le problème à partir de nouveaux angles, évalue non pas une seule solution potentielle, mais plusieurs. Il garde l’esprit ouvert et reste à l’écart des schémas de pensée stéréotypés.

Toutes ces stratégies de pensée ont une certaine utilité pour aborder la complexité. D’ailleurs, vous verrez que la pensée latérale fait partie intégrante de la pensée complexe.

  • Néanmoins, qu’en est-il des nombreuses situations sans explications objectives et évidentes ? Comme une salle de classe perturbée ?
  • Qu’en est-il des contradictions ou des paradoxes qu’on découvre malgré une prise de décision logique et rationnelle ? Comme le rôle de l’agriculture industrielle dans la destruction de la vie qu’elle était censée soutenir ?
  • Qu’en est-il des états d’esprit et des liens sociaux qui s’immiscent voire s’imposent dans un contexte? Comme l’avidité d’un acteur politique local, ou les dynamiques de pouvoir au sein d’un système ?
  • Qu’en est-il des incertitudes qui subsistent ? Comme celles qui planent sur les causes de la baisse des populations d’abeilles ? Ou encore les insécurités liées à l’emploi ou à la satisfaction professionnelle, malgré les études universitaires réussies?
  • Qu’en est-il des conséquences inattendues de nos actions ? Comme un nouveau souci de santé provoqué par les médicaments administrés pour en guérir un autre ? Dans les situations complexes, les interactions se passent sans que personne n’en soit volontairement à l’origine.

Le penseur complexe ne nie pas la pertinence et l’utilité de la pensée analytique ou critique dans nos quotidiens mais se rend compte qu’elles ne suffisent pas pour gérer les complexités du réel.

La pensée complexe est-elle la même que la pensée systémique ?

Oui, elles appartiennent en effet au même courant, avec les mêmes fondements théoriques. Bien que les termes «systèmes» et «pensée systémique» existent avant les années 1940, c’est bien la Théorie Générale des Systèmes de Ludwig von Bertalanffy qui lance la pensée systémique en tant que mouvement majeur. Il est vite soutenu par les cybernéticiens travaillant sur les schémas de communication, en particulier dans les boucles fermées et les réseaux. Norbert Weiner formule les concepts de rétroaction et d’autorégulation, qui à leur tour conduit à l’idée d’auto-organisation – tous des concepts essentiels à la pensée systémique ou complexe. Weiner associe les nouvelles notions de message, de contrôle et de rétroaction aux ‘patterns’ d’organisation, mettant en avant l’idée de «pattern » comme caractéristique clé de la vie. La Théorie de l’Information de Claude Shannon, une partie importante de la cybernétique, est la troisième contribution théorique à ce mouvement.

La plupart des « penseurs systémiques » étaient ou sont en Amérique du Nord et leurs œuvres sont donc majoritairement en anglais. On doit le terme “pensée complexe” au penseur français Edgar Morin et à son magnum opus, La Méthode – une collection de 6 volumes, publiés entre 1977 et 2004 – consacrée à la complexité et la pensée complexe. Son travail, plus connu en Europe, en Amérique latine et en Afrique francophone, commence seulement à être traduit en anglais.

Pourquoi éduquer à la complexité ?

Afin de répondre à cette question, il serait utile de comprendre pourquoi notre système éducatif est conçu tel qu’il existe aujourd’hui. En effet, qu’est-ce qui nous a fait penser que la meilleure façon d’éduquer les enfants serait de les séparer en groupes d’âge, de créer un corpus de connaissances abstraites dissociées par matière, d’hiérarchiser celles-ci, de former des spécialistes disciplinaires, de créer un emploi du temps, d’exiger de la discipline, de porter toute l’attention sur la pensée analytique et rationnelle, d’ignorer les émotions…Qu’est-ce qui est à l’origine d’une telle conception du système ?

Le système éducatif, comme la plupart des autres organisations humaines, connaît l’influence de la vision mécaniste cartésienne et newtonienne, qui révolutionne le monde à son époque. Selon cette vision l’univers matériel est une parfaite machine, explicable en termes de lois mécaniques – ainsi, tout aspect de structures mêmes complexes pourrait être compris en réduisant celles-ci à leurs plus petites parties constitutives. Descartes étend cette vision même à la flore et à la faune. Le corps humain n’y échappe pas dit-il, si ce n’est en étant habité par un esprit rationnel. Cette vision du monde sépare l’esprit de la matière, prône le réductionnisme et la certitude des connaissances scientifiques. Les penseurs du 18ème siècle adoptent cette même vision mécaniste de la société et de l’organisation humaine. Autrement dit, les organisations humaines sont conçues à l’image d’une parfaite machine et organisées pour une gestion efficace. Ainsi émerge l’école dans sa forme actuelle – une machine pour transmettre les connaissances efficacement. On remarque la même influence sur les universités, les entreprises, l’industrie, etc. La métaphore «machine» aura une emprise sur notre réflexion et sera cruciale dans la conception de la structure et des principes de fonctionnement de tous nos systèmes. Il va de soi qu’elle impacte notre façon de penser au quotidien.

Mais la vision mécaniste n’est plus valable de nos jours. Les scientifiques s’accordent pour dire que le monde est en effet un vaste réseau de vie interconnectée en constante mutation. Notre planète est un grand système en boucle fermée, au sein duquel d’innombrables sous-systèmes humains et non humains se lient inévitablement et de manière complexe et interagissent les uns avec les autres, faisant de l’incertitude et des propriétés émergentes l’ordre du jour. C’est dans ce contexte que les penseurs systémiques / complexes plaident pour une refonte du système éducatif en remplaçant la métaphore «machine» par une représentation «systémique ou complexe». En d’autres termes, la pensée analytique-rationnel, si chère à la vision mécaniste, ne suffit pas à comprendre le monde réel – un monde incontestablement complexe et interconnecté. Eduquer à la complexité en développant des reflexes de pensée complexe permet de préparer les apprenants à la vie réelle.

Ce qui est vrai pour la planète est vrai pour une salle de classe. Il s’agit bien d’un environnement éducatif en constante évolution! Le profil des apprenants a changé. Ils sont plus imprégnés des enjeux identitaires, culturels et de l’équité que ceux des décennies passées. Point d’explication simple (en d’autres termes aucune certitude) aux conflits, à l’échec scolaire, au stress psychologique et mental, à la toxicomanie ou encore aux manques de motivation ou d’engagement des élèves. Les connaissances évoluent, les programmes scolaires aussi. Il en va de même pour les marchés, les emplois et les moyens d’existence. L’invasion des outils numériques favorise la personnalisation, l’apprentissage interactif, les réseaux sociaux, l’accès direct et immédiat aux connaissances, et la transmission de l’information et de la désinformation. Les applications d’apprentissage s’adaptent mieux aux capacités des élèves que peuvent les enseignants. Des centaines de vidéos et d’outils en accès libre permettent de comprendre n’importe quel sujet, ce qui autrefois relevait de la seule prérogative des enseignants. Cette base de ressources diversifiée fournit souvent des messages confus et des informations contradictoires, sur l’objet de connaissance, lui-même complexe en raison de son évolution constante et des interprétations diverses. Bref, les approches complexes et les reflexes de pensée complexe permettront aux enseignants, aux éducateurs et aux activistes de naviguer et de dialoguer avec cette complexité des environnements éducatifs.

En quoi diffère la pensée complexe de la « pensée design » ?

Il existe de nombreux articles sur le rôle du « design » dans la « pensée systémique » et, inversement, de la « pensée systémique » dans le « design ».

La « pensée design », comme son nom l’indique, vise à dessiner des solutions pour des problèmes complexes. Elle cherche à répondre aux vrais besoins des gens en sollicitant les contributions du groupe cible ; à engager une démarche itérative sur les idées de façon cyclique ; à explorer de nouvelles idées basées sur des besoins et des schémas non détectés, afin de produire une solution prototype pour expérimentation.

La « pensée complexe ou systémique » a un champ d’action plus étendu et cherche une vue d’ensemble : cartographier et comprendre les rapports complexes, les processus et la dynamique sous-jacents potentiellement sources de conséquences inattendues ou différées ; chercher à modifier la dynamique indésirable et les schémas problématiques ; prendre conscience des contradictions inévitables, etc. Alors que la « pensée design » vise la recherche des solutions pour l’avenir, la « pensée systémique » recherche des changements systémiques.

Comment éduquer à la complexité ?

C’est sans doute la question la plus importante ! Concrètement, quels sont les approches, les méthodes et les outils pour préparer nos élèves à devenir de vrais acteurs de changement positif pour eux-mêmes et pour la planète? Et ceci dans le cadre de nos programmes scolaires! Pour découvrir les démarches déjà mis en oeuvre par des centaines d’enseignants à travers le monde, passez à la page « Eduquer à la complexité ».